Tarapur Jaïtapur in India

Are Vah !

Documentaire de Micha Patault & Sarah Irion
Les Champs Libres – mercredi 16 décembre 2015 à 18h30

Enquête sur les enjeux et les méthodes d’une soi-disant « renaissance nucléaire » indienne… et française ?
(« Are Vah ! » signifie en hindi « ouh la la ! » « Oh, Putain ! » « Ouah ! » …)

Décor :
Jaitapur, petit port de pêche sur la côté ouest de l’Inde, à 400 km au sud de Mumbai (Bombay).
Areva a rêvé (Areva rêve beaucoup…) d’y construire la plus grande centrale nucléaire au monde : 6 EPR y sont espérés !
La population est très hostile à ce projet qu’elle estime imprudent et irrationnel. Il faut dire que le projet est situé en bord de mer, dans un environnement bénéficiant d’un écosystème particulièrement riche, et… en zone à haut risque sismique.

  • En 2013, puis 2014, nous (SDN) avons reçu Pradeep Indulkar à Guichen (Ille & Bio) puis à Fougères avec le Coedra pour la projection de ses deux courts métrages sur les centrales indiennes de Tarapur (la plus vieille), et de Jaitapur (toujours en projet, ouf !). Ancien ingénieur dans le nucléaire, Pradeep est devenu réalisateur après avoir pris conscience des dangers du nucléaire.
    High Power dénonce la catastrophe écologique et humaine engendrée par la plus ancienne centrale nucléaire indienne à Tarapur
    Jaitapur en direct témoigne du mouvement de résistance démarré localement par les pêcheurs et les paysans contre ce projet qui les privera de leurs moyens de subsistance, et de l’écho national rencontré par cette mobilisation. Le projet doit s’étendre sur près de 1000 ha, entraînera la destruction de 5 villages et ports, et l’expulsion de 40 000 villageois, et la centrale déversera quotidiennement dans la mer 52 millions de m3 d’eau chaude, compromettant gravement l’activité de pêche.

Dans le climat de déroute technologique et financière qui auréole la construction des EPR de Flamanville et Olkiluoto, où en sont le projet indien, et la contestation citoyenne ?
Micha Patault nous le dira mercredi.

ARE VAH ! Micha Patault
Pour ceux qui veulent en savoir plus :

Contexte nucléaire

L’Inde est une des grandes puissances nucléaires au niveau mondial.
La part fournie par ses 7 centrales nucléaires (20 réacteurs) ne représente que 2,5% de l’électricité totale consommée par le pays. Mais l’intention du pouvoir est de faire passer cette part à 25% en 2050. 18 réacteurs sont en construction et 40 d’ores et déjà programmés.

Le dernier réacteur mis en activité en 2014 à Kudankulam  a été construit par la compagnie publique russe Rosatom,  avec laquelle l’Inde a conclu un contrat pour la livraison de 12 réacteurs.
L’Inde a également conclu un accord avec l’Australie pour la fourniture d’uranium ; l’Australie possède les plus importantes réserves d’uranium mondiales, soir près d’un tiers.

Mais le sous-sol indien contient également de grandes quantités de Thorium, élément chimique radioactif auquel certains chercheurs promettent un bel avenir comme combustible nucléaire dans une nouvelle génération de réacteurs…

L’Inde, qui a refusé de signer le TNP (traité de non prolifération nucléaire), possède depuis longtemps l’arme atomique, tout comme son voisin le Pakistan. Voilà qui est source d’inquiétude, face aux risques de conflits pour l’usage de ressources naturelles fragiles, qui ne pourront que s’exacerber avec les impacts du dérèglement climatique.

Un peu d’histoire

Le programme nucléaire indien a été impulsé par les Etats Unis dans le cadre du programme Atoms for Peace lancé par le président américain Eisenhower en 1954 afin de promouvoir l’usage de la technologie nucléaire à des fins pacifiques, et ce faisant de favoriser l’exportation de ses technologies et matériels (programme « pour la paix » qui n’a pas empêché les EU d’engager parallèlement un programme de dissuasion nucléaire visant à augmenter son arsenal).

Si dès le début du programme indien, un volet militaire est discrètement envisagé, celui-ci n’a été mis en œuvre qu’après la défaite contre la Chine, en 1962.

En 1974 l’Inde procède à l’explosion souterraine de sa première bombe atomique dont le plutonium provient d’un réacteur de recherche construit avec l’aide de techniques et matériels américains et canadiens. Les essais se prolongeront jusqu’en 1998, avec l’explosion d’une bombe H, apothéose de l’hypocrite doctrine « atoms for peace ».

En réaction à ces essais, les EU décrètent un embargo – en particulier sur la fourniture de combustible nucléaire – qui durera jusqu’en 2006, date à laquelle les EU ratifient un accord de coopération nucléaire avec l’Inde.

Dès 2010 les autorités indiennes conçoivent le projet de construire à Jaitapur la plus grande centrale nuc au monde : 6 EPR sont envisagés (soit une puissance de 9900 MW).
L’accord signé par Sarkozy lors de sa visite en décembre 2010, confirmé par Hollande lors de sa visite en février 2013, prévoit dans l’immédiat la fourniture par Areva de 2 EPR.
Nos présidents sont décidément de bons représentants commerciaux de l’industrie nucléaire…
Ces projets sont ardemment soutenus par les autorités indiennes (le gouvernement – dont le ministre de l’environnement –, l’état du Maharashtra, et bien sûr la compagnie nationale NPCIL (Nuclear Power Corporation of India Limited)…

Le chantier devait démarrer en 2012, pour une mise en activité en 2014.

Mobilisations

La catastrophe de Fukushima, les déboires des EPR français et finlandais ont mis à mal l’échéancier et redonné vigueur et espoir à la mobilisation citoyenne engagée dès 2008, malgré une répression policière féroce (soldée par la mort d’un pêcheur pendant une manif en 2011).

Cette mobilisation a été relayée par des associations occidentales.
Ainsi en France, un courrier signé par Greenpeace et Les Amis de la Terre a été adressé au président Sarkozy en juillet 2011 pour dénoncer la garantie contre les risques financiers apportée à ce projet par l’état français à travers la COFACE *. Ce courrier s’inquiète aussi de la qualité de construction et de suivi de réacteurs d’une telle puissance (EPR : 1650 MW), au regard des faibles standards de sécurité appliqués en Inde avec des réacteurs de puissance très inférieure (de 160 à 540 MW) qui ont connu pourtant de nombreux incidents au cours des décennies passées. Ce courrier souligne enfin les risques engendrés par la corruption des responsables politiques.

Financement ? Banques françaises, naturellement !

L’accord prévoyait initialement un montant de 5 à 7 milliards d’euros pour les 2 EPR. Le coût des EPR de Flamanville et Olkiluoto atteint aujourd’hui entre 8 et 10 Md€ chacun…
Le financement devait être assuré par la compagnie indienne NPCIL (30%), et les banques françaises pour le reste (70%) (BNP, SG, CA, et Natixis sont les plus actives à financer le nucléaire dans le monde). Qui, maintenant que le prix a été multiplié par 3 ?

*Malgré le risque, les banques acceptent de financer ces projets grâce au mécanisme de garantie apportée par la COFACE (Cie Française d’Assurance pour le Commerce Extérieur). En cas de non paiement de projets à l’étranger, la Coface se substitue au débiteur défaillant, et l’état français, donc… le contribuable, apporte l’ultime garantie. Ainsi les banques ne prennent aucun risque puisqu’elles ont l’assurance d’être remboursées quels que soient les déboires du projet.
Si votre compte est domicilié dans une de ces banques, vous savez ce qui vous reste à faire … !!!

LIRE : Les projets nucléaires d’Areva à Jaitapur, en Inde : catastrophe à l’horizon ?
par Tarun Kanti Bose http://multinationales.org/Les-projets-nucleaires-d-Areva-a septembre 2014